
Nous ne parlons pas seulement d’une perte d’un ami ou d’un être cher, mais aussi d’un travail, d’un idéal, d’une communauté, d’un moteur pour notre vie. Le deuil se signale par la présence d’un vide douloureux à l’intérieur de nous. Le manque signifie que la perte est substantielle, elle occupait bel et bien une place importante dans notre cœur.
Pour revivre après une telle épreuve, nous ne partons pas de rien. Il y a toujours un quelque chose de nouveau qui se prépare. Les forces de résilience s’activent à partir d’expériences que nous avons vécues précédemment. Mais à ce stade, ce lien est encore inconscient. Ce départ est au début trop prématuré pour penser à le remplacer.
Dans ce temps de deuil, nous sommes intuitivement appelés à rentrer davantage en nous-mêmes et à nous rassembler autour de quelques privilégiés. Nous cherchons une bonne terre pour pouvoir mourir avec ce qui est parti. Cette transition active nos forces plus féminines. Nous ne parlons pas seulement des empreintes d’une mère nourricière, mais aussi d’une femme en tant qu’être désirable. Seul, la douceur d’un tel Être a en ce moment le pouvoir de nous consoler.
Par la réouverture douloureuse de nos entrailles, nous retrouvons le chemin de la graine à savoir l’infantile. Cette rencontre nous entraine inévitablement dans un mouvement de régression. Nous entrons en gestation pour un jour renaître à la terre. En descendant dans ce monde souterrain, nous rapprochons des parts qui se tenaient à deux extrémités: la chair de notre vie d’adulte et nos premiers pas d’enfant.
Cette voie de réunification nous dépouille de nos différents costumes et accentue par conséquent la vision de notre nudité. En effet, cette dernière se ressent davantage devant l’expérience de la mort. Ce qui couvrait la surface de notre peau perd tout son intérêt. Le corps se défait de ses identités pour se manifester dans sa pesanteur. Cette force d’inertie nous assaille parfois de sensations et d’émotions désagréables à l’évocation du défunt : vide, tristesse, ennui, nostalgie, démangeaisons.
Quand la colère face à l’injustice se dissipe, de nouveaux sentiments surviennent tels que la paix durant la période de plus grande acceptation. En assimilant ce qui est disparu, nous expérimentons la réalité dans ce qu’elle a de dramatique. La perte devient alors l’occasion de grandir, d’évoluer et de changer de perspective. La situation qui était perçue essentiellement sous un angle négatif se transforme avec le temps comme une aubaine.
Finalement, l’âme meurtrie arrive à s’ouvrir à ce qui germait en elle. Elle est prête à accueillir les jeunes pousses intérieures et à y poser de l’engrais. Sa volonté se met à travailler de concert avec ce qui se tramait dans le secret. En réinventant sa vie, elle rencontre parfois sur sa route les traces de certains disparus. Ces retrouvailles sont l’occasion de faire mémoire sans s’enliser dans les marécages du passé.
Jean-Philippe de Limbourg – Psychologue clinicien – praticien en hypnose et en soins énergétiques à Liège